New York, début du XXe siècle. Les rues s’emplissent de bruit, de poussière et d’ambition. Au croisement de Broadway et de la 5e Avenue, une silhouette improbable s’élève : le Flatiron Building. Dans ce duel tendu à deux joueurs, il ne s’agit pas seulement de poser des piliers et d’empiler des étages, mais de marquer l’histoire en gravant son nom dans la pierre… ou plutôt dans le carton.
Le duo espagnol Sheila Santos et Isra Cendrero, alias Llama Dice, s’est imposé avec La Cathédrale Rouge et Le Château Blanc. Ils excellent dans les jeux compacts mais profonds, où chaque placement compte. Leur marque de fabrique : un mélange de contrainte spatiale et de combos élégants.
Avec Flatiron, ils poursuivent leur exploration architecturale dans un duel tendu à deux joueurs. Un style exigeant, précis, qui fait d’eux une signature ludique reconnue en Europe.

Construire, bloquer, anticiper
Dans Flatiron, vous incarnez des architectes new-yorkais au début du XXe siècle, en plein chantier du mythique gratte-ciel triangulaire.
Chaque tour est une lutte pour choisir la bonne rue, engranger des ressources et développer son moteur de cartes.
La construction du bâtiment progresse étage après étage, rythmant la partie et imposant de nouvelles contraintes.
L’ambiance est celle d’un duel stratégique, tendu et urbain, où chaque décision a un poids immédiat.
L’objectif final : laisser sa marque dans l’histoire de Manhattan en gravant son nom au sommet du Flatiron.
Chaque joueur possède un plateau personnel divisé en quatre colonnes, représentant les rues autour du chantier du Flatiron. Ces colonnes accueillent des cartes glissées les unes sous les autres, créant un moteur de plus en plus puissant.
Au début de son tour, le joueur place son architecte sur une rue/avenue du plateau central. Selon l’endroit choisi, il peut :
- Prendre 2 pièces,
- Acheter une carte parmi celles disponibles dans cette rue,
- ou Activer la colonne correspondante sur son plateau pour déclencher les effets des cartes, de haut en bas.
Les cartes permettent principalement de produire des piliers colorés, d’obtenir de l’argent, de manipuler sa réputation (positive ou négative), ou d’acquérir des objectifs de fin de partie.
Les piliers ainsi gagnés sont posés dans la structure du Flatiron pour construire des étages. Chaque étage impose des contraintes de couleurs : impossible, par exemple, de répéter deux piliers identiques sur la même ligne. Quand un joueur décide de poser un étage, cela avance la construction de l’immeuble, réinitialise les cartes disponibles et introduit une nouvelle règle de manche.
La partie prend fin lorsque le toit du Flatiron est posé. Les joueurs comptent alors leurs points :
- piliers posés,
- réputation (chaque rue positive rapporte, chaque rue négative coûte),
- et objectifs acquis en cours de partie.
Le vainqueur est l’architecte ayant laissé son nom gravé dans la pierre new-yorkaise.

Le moteur derrière la façade
Derrière la façade new-yorkaise, 2 idées de design se distinguent et donnent à Flatiron toute sa personnalité.
- Le moteur de cartes en colonnes
Chaque rue est une colonne où l’on glisse des cartes, et les activer déclenche les effets de haut en bas. Plus la colonne est longue, plus la combo est forte — mais il faut bien gérer l’ordre d’empilement, car une mauvaise carte peut tout casser. - La construction progressive de l’immeuble
Poser un étage n’est pas seulement décoratif : cela change les contraintes de placement pour la suite, renouvelle les cartes disponibles et accélère la fin de partie. C’est un timing stratégique fort, qui oblige à calculer le bon moment pour “monter d’un cran”.
New York, stratégie et sueur
Flatiron frappe par sa simplicité apparente et la profondeur qu’il cache. On croit pouvoir tout faire, mais à chaque tour, sur quatre actions possibles, on n’en choisit finalement qu’une ou deux. C’est là que réside la difficulté du rythme : apprendre à prioriser, accepter de manquer, et anticiper les blocages pour optimiser ses tours.
On soulignera tout de même le manque d’aide de jeu et l’iconographie parfois lourde, mais au bout d’une ou deux parties, la fluidité s’installe. Les parties en solo peuvent sembler répétitives, mais à deux joueurs humains, le jeu prend toute sa saveur : tendu, varié, disputé. On se bloque sans détruire, on s’observe, on avance prudemment — un vrai duel de nerfs et de planification.
Matériellement, tout n’est pas parfait (cartes un peu fines, plateau de score limité), mais la direction artistique sublime et l’immeuble qui s’élève sous nos yeux compensent largement. On sort de la partie avec le sentiment d’avoir participé à une véritable construction, et cette impression reste.
Au final, Flatiron est un pur jeu de gestion accessible, plus nerveux qu’il n’y paraît, avec une marge de progression qui donne envie d’y revenir. Ceux qui aiment réfléchir, anticiper et sentir la tension à chaque tour y trouveront une petite pépite new-yorkaise.
| ✅ Points forts | ⚠️ Points faibles |
|---|---|
| Moteur de cartes en cascade élégant et addictif | Iconographie dense, absence d’aide de jeu claire |
| Duel tendu : interaction forte sans destruction directe | Matériel perfectible (cartes fines, plateau de score limité à 50) |
| Construction physique du Flatiron : immersion visuelle et thématique | Certaines cartes jugées plus fortes que d’autres (déséquilibre perçu) |
| Direction artistique superbe | |
FLATIRON
| 🎲 Caractéristiques | Détails |
|---|---|
| Auteur·trice·s | Sheila Santos & Israel “Isra” Cendrero |
| Illustrateur | Weberson Santiago |
| Éditeur (VF) | Ludonova |
| Nombre de joueurs | 1 – 2 joueurs |
| Âge conseillé | Dès 12 ans |
| Durée | 30 – 45 minutes |
| Prix public indicatif | 25 € |
L’histoire du Flatiron Building
Le Flatiron Building, à New York, est l’un des gratte-ciel les plus emblématiques de la ville.
Construit en 1902, il se dresse au croisement de Broadway, la 5e Avenue et la 23e rue, sur une parcelle triangulaire qui lui a donné son surnom : “le fer à repasser” (flat iron en anglais).
Conçu par l’architecte Daniel Burnham, pionnier de l’école de Chicago, le bâtiment mêle style Beaux-Arts et innovations techniques. Avec ses 22 étages et ses 87 mètres de haut, c’était à l’époque l’un des plus grands gratte-ciel de Manhattan. Sa structure en acier permit d’élever une tour fine et élancée, ce qui fascinait autant qu’inquiétait les New-Yorkais : on craignait que le vent ne le fasse s’écrouler !
Très vite, le Flatiron est devenu un symbole de modernité et un sujet favori des photographes. Edward Steichen et Alfred Stieglitz l’ont immortalisé, en faisant une icône artistique autant qu’architecturale.
Classé monument historique en 1966, puis National Historic Landmark en 1989, il reste aujourd’hui l’une des silhouettes les plus reconnaissables de Manhattan. Bien que ses bureaux aient été vidés récemment pour travaux de rénovation, sa forme unique continue de dominer son quartier et de nourrir l’imaginaire collectif.


