Derrière ses lignes épurées se cache un jeu de placement chirurgical, où chaque jeton posé devient une menace silencieuse. À deux, c’est une danse mathématique. À trois ou quatre, un équilibre fragile prêt à se rompre à la moindre erreur.
Mathieu Aubert et Théo Rivière, deux noms qu’on croise souvent dès qu’un jeu ose être simple, direct, mais pas idiot.
Le premier, Aubert, on lui doit Shadows: Amsterdam (le Dixit sous acide), Paquet de Chips (le push-your-luck le plus salé du marché) et un Dobble Connect qui t’a déjà fait hurler un soir de trop.
Le second, Rivière, c’est le cerveau sous perfusion : Draftosaurus, The Loop, Sea Salt & Paper, Naga Raja… L’homme qui transforme les mécaniques abstraites en plaisir immédiat.
Autant dire que quand ces deux-là décident de collaborer, tu ranges tes dés et tu sors ton compas mental.
Et parce que tout ça ne suffisait pas, c’est Space Cowboys qui pilote l’affaire — la maison derrière Splendor, Orbis et autres best-sellers polis comme des galets.
Autant dire qu’on est dans le registre “accessible mais pas creux”, un ADN que le studio défend mieux que personne.
Production clean, règles fluides, tension garantie — le tout calibré pour t’en coller une sans que tu saches pourquoi.
Inori se présente comme une promenade spirituelle. Des arbres, des prières, de l’équilibre, tout ce qu’il faut pour apaiser ton cortex fatigué du boulot. L’éditeur te parle de “symbiose”, de “nature”, de “connexion intérieure”. En réalité, c’est surtout une invitation à te faire griller les neurones avec le sourire.
Le plateau est sobre, les couleurs pastel, les pions agréables à manipuler. On croirait presque sentir l’encens. Mais ce calme n’est qu’un décor, une mise en scène. Car sous le bambou et les promesses d’harmonie, c’est une lutte de territoire. Pas de méditation ici, juste de la domination géométrique.
Et c’est là que Inori frappe juste : son thème n’a rien d’indispensable, mais il hypnotise. Il crée ce faux sentiment de détente, comme une nappe sonore avant la tempête. Le joueur se relâche, respire un peu trop fort… et c’est là qu’on lui plante un jeton dans la gorge.

Le calme, c’est pour les autres : ici, on calcule.
À ton tour :
- Placer un marqueur d’offrande soit sur une carte “Voyage”, soit sur une case de l’Arbre .
- Optionnellement, tu peux jouer une tuile Rune si tu en possèdes.
- Si tu places sur une carte “Voyage” :
- Choisis un emplacement libre.
- Paye le coût éventuel indiqué sur l’emplacement si indiqué
- Applique la récompense de l’emplacement : jetons Faveur, tuile Rune, points, etc.
- Si tu places sur l’Arbre :
- Si l’emplacement est sans coût, prends l’effet indiqué.
- Place une tuile Autel de la couleur de ton choix à côté de l’emplacement (pour en faire le coût futur).
- Applique l’effet immédiat indiqué
✅ Fin de saison
- Une saison se termine quand tous les joueurs ont placé tous leurs marqueurs d’offrande.
- On évalue chaque carte “Voyage” :
- Si tous les emplacements de la carte sont occupés → la carte est “complète”. Chaque joueur ayant un marqueur dessus score un point par jeton Faveur de la couleur de la carte qu’il possède.
- Si la carte n’est pas complète → pas de points pour cette carte, et on remplace la carte selon la couleur indiquée.
- On retire les marqueurs des joueurs et on prépare la saison suivante. Le joueur ayant le moins de points devient premier joueur pour la saison suivante.
🏁 Fin de partie & décompte final
- Après la 4ᵉ saison, on effectue le décompte final lié à l’Arbre.
- Pour chaque emplacement de l’Arbre où une tuile Altar a été placée :
- On compare les jetons Favor des joueurs de la couleur associée. Le joueur ayant le plus obtient les points de 1ʳᵉ place, le second les points de 2ᵉ place. En cas d’égalité, tous ceux à égalité reçoivent la 1ʳᵉ place et il n’y a pas de 2ᵉ place.
- Le joueur totalisant le plus de points remporte la partie.
Les mécaniques intéressantes
La première mécanique forte, c’est le double niveau d’interaction :
– Sur les cartes Voyage, tu choisis où poser ton jeton d’offrande pour déclencher un effet immédiat, tout en préparant un scoring collectif.
– Sur l’Arbre, tu investis dans une couleur, mais chaque tuile que tu places devient un coût futur pour les autres.
Autrement dit : tu construis des obstacles avec les pierres que tu jettes.
Vient ensuite la lecture du tempo : tu veux être celui qui termine une carte pour scorer, mais pas trop tôt, sinon tu offres la prime à celui qui aura accumulé la bonne couleur de “Favor”.
C’est une mécanique de contre-rythme : Inori se joue à l’oreille plus qu’à la force.
Autre subtilité : la limitation volontaire des actions.
On ne fait qu’une chose par tour.
Tu sais que tu devras attendre plusieurs tours avant de rejouer sur la même carte, alors tu t’installes, tu bloques, tu temporises.
Chaque coup a la saveur d’un coup de scalpel : précis, irréversible, chirurgical.

un jeu discret, tendu, parfaitement ciselé
Inori s’installe sans forcer. Beau, zen, parfaitement rangé, il dégage d’emblée cette élégance tranquille propre aux jeux bien édités. La mise en place est fluide, la lecture claire, la première manche presque apaisante. On se dit que tout va rouler. Et c’est exactement là que le jeu commence à resserrer l’étau.
Car derrière sa façade calme, Inori cache une tension grandissante.
Les tours s’enchaînent, les choix se raréfient, et chaque placement devient un risque calculé.
On découvre peu à peu un vrai jeu de tempo, où tout repose sur le moment juste : finir une carte trop tôt, c’est offrir des points ; attendre trop tard, c’est les perdre.
La montée en intensité est subtile mais implacable.
Là où beaucoup de jeux s’essoufflent, Inori gagne en nervosité.
Les derniers tours sont durs, secs, tendus — et c’est là qu’il devient excellent.
On y retrouve une précision d’horloger, un équilibre entre contrôle et frustration, un duel silencieux où tout se joue à la couleur près.
Un jeu parfaitement calibré, limpide dans ses règles, exigeant dans son rythme qui finit bien plus fort qu’il ne commence.
| Points forts 🌿 | Points faibles 🍂 |
|---|---|
| Édition impeccable : matériel, insert, lisibilité. | Thème purement cosmétique, sans impact réel sur le jeu. |
| Mécanique fluide, lisible et rapide à expliquer. | Peut sembler froid ou abstrait pour certains publics. |
| Montée en tension progressive, finale haletante. | Les joueurs aguerris risquent d’en faire le tour assez vite. |
| Interaction constante, blocages subtils, vraie lecture de l’adversaire. |
INORI
| Caractéristiques | Détails |
|---|---|
| 🧠 Auteurs | Mathieu Aubert & Théo Rivière |
| 🎨 Illustratrice | Suzanne Démontrond |
| 🏷️ Éditeur | Space Cowboys |
| 📦 Éditeur / Distribution | Asmodee |
| 👥 Nombre de joueurs | 2 à 4 joueurs |
| ⏱️ Durée moyenne | 30 à 45 minutes |
| 🎂 Âge conseillé | Dès 8 ans |
| 💰 Prix indicatif | Environ 32 € |



